mardi 18 juin 2013

Ongles sous surveillance

Quand ma fille a eu deux ans, je me suis mise à lui peindre les ongles. Elle me l'a demandé et il me semblait logique de partager cela avec elle puisque, la plupart des jours, mes ongles arborent l'une ou l'autre des couleurs de l'arc-en-ciel. Nous avons vite convenu, elle et moi, que le tout servirait à mettre la touche finale sur une manucure et une pédicure réussies. Quiconque a déjà eu à nettoyer et/ou couper les ongles d'un jeune enfant peut témoigner de l'envergure de la tâche. Le vernis à ongles est devenu pour nous un incitatif à traverser cette épreuve redoutée avec le sourire et la bonne humeur. Touch down pour maman!

C'est devenu une habitude heureuse et un moment juste à nous deux. Ma fille de deux ans arbore donc des ongles propres, limés et colorés la plupart du temps.

Sauf que dernièrement, je me suis rendue compte que je ressentais le besoin de justifier la manucure de ma fille auprès des gens que nous fréquentions et même devant de purs étrangers... N'avais-je pas peur de l'hypersexualation?

Bien sûr que j'ai peur que ma fille devienne trop vite hypersexualisée.

Depuis le début de ma première grossesse, il y a presque 4 ans, je me pose quotidiennement des questions sur notre vie, nos valeurs, notre place dans la société et notre position face à celle-ci. En tant que famille, nous avons choisi d'être à contre-courant de la masse sur l'allaitement, le portage, le cododo, l'alimentation, le travail, la télévision, la consommation et bien d'autres domaines. J'essaie, autant que possible, de vivre de façon authentique sans me battre ou devenir militante pour ce qui me tient à coeur. Quiconque me connaît vous dira que je réussis mal à être aussi zen que j'aimerais l'être. Plus souvent qu'autrement, j'aimerais convaincre l'univers de la légitimité de nos choix et convertir tous et chacun à notre façon de faire... Ce n'est pas un jugement face aux autres autant qu'un désir de partager ce qui me passionne. Il arrive, en effet, que ces choix (si authentiques soient-ils à nos yeux) nous fassent sentir isolés.

Pour en revenir à l'hypersexualisation, voici ma position. Je vous la donne, histoire de me vider le coeur ici une fois pour toutes. C'est un engament que je prends, afin de mettre fin au cycle de la culpabilité face au vernis à ongles de ma fille.

J'ai grandi avec deux frères et j'ai donc été témoin de tous les trucs de gars, des Ninjas Turtles aux films de Steven Segal et j'ai participé à la plupart d'entre eux avec joie. Sauf que je suis ce qu'on appelle une girl's girl. J'aime le rose, les froufrous, le brillant, les comédies romantiques cucu et les musicals. J'ai été une fan des tous les boys band possibles pendant mon adolescente. J'aime porter des robes, des bijoux et des talons (à l'occasion). Je me maquille. J'aime prendre le thé à l'anglaise en après-midi avec des sandwiches au concombre et des scones miniatures. Je lis le Vogue depuis aussi loin que je peux me souvenir. Et je me fais les ongles.

Mon mari et moi avons deux filles. Nous en sommes particulièrement heureux. Les deux fois où l'on nous a annoncé que j'attendais une fille, j'étais gaga à l'idée de faire des lulus, à magasiner des robes et à parler de poupées... Nous avons nommé nos filles Lili-Rose et Pénélope, deux noms particulièrement et intentionnellement féminins. Mais voilà le mot clé: féminité. Pas sexualité. Pour moi, jouer aux poupées et se vernir les ongles sont des actions féminines et non sexuelles. Personne n'a jamais reproché à un garçon qui joue au camion et qui porte un petit veston d'être hypersexualisé. Ben non, il a l'air d'un gars, c'est tout.

Cela ne veut pas dire non plus que nos filles ne font que des trucs «de filles». Elles jouent aux camions. Aux Lego. Au ballon. Notre plus grande a son kit d'outils pour suivre papa (ou maman la plupart du temps) et installer ou réparer des trucs dans notre appartement. J'achète aussi une part de leurs vêtements dans la section des garçons parce que, des fois, ça fait du bien de varier du rose nananne et des faces de Hello Kitty.

L'hypersexualisation a davantage à voir avec les modèles qui inspirent les jeunes, tant dans leur entourage que dans les médias. Pourquoi une jeune fille d'âge primaire désire un g-string ou un garçon veut-il un collier avec un signe de piasse au cou? Pour faire comme les autres, voilà tout. Je sais cela et ça me fait aussi très peur, car mes filles sont encore très jeunes et nous contrôlons encore leur environnement la plupart du temps (quoique les références aux princesses de Disney, à Dora et cie. me font aussi douter quelquefois!). J'espère que nous réussirons à avoir du momentum lorsque nous aborderons certains sujets houleux avec elles, mais je suis réaliste et je sais que certaines questions viendront bien avant l'âge de raison.

Traiter les femmes de «bitches», chanter qu'un homme ne vaut rien s'il n'est pas millionnaire, choisir de ne pas porter de sous-vêtement en public ou mesurer la valeur d'une fille selon jusqu'où elle est prête à aller au lit... Ce sont des comportement qui hypersexualisent notre société et nos enfants, par le fait même. Mais le vernis à ongles? Je ne pense pas qu'il hypersexualise ma fille. Aussi, à mon humble avis, le vernis à ongles est autant pour les hommes que les femmes - pourvu que ceux-ci en aient envie et se donnent le trouble de se manucurer. J'essaie d'ailleurs de faire comprendre à ma fille qu'elle n'a pas besoin de vernis ou de maquillage  pour être belle. Si on le fait, c'est pour se faire plaisir et parce que ça nous amuse. Voilà tout.

Pour ce qui est des vrais questions d'hypersexualisation... on repasse dans quelques années s.v.p.? (Soupir de soulagement!)
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